Aveugle de nous-mêmes 
Nous passons l’essentiel de nos vies à nous battre pour tenter d’exister dans le regard des autres. Nous sommes aveugles de nous-mêmes, de nos attitudes, de nos pensées récurrentes mais surtout de l’origine de celles-ci.

Qu’elle est la cause première ? Qu’est-ce qui les déclenche, les provoque et tire les ficelles dans le présent pour nous pousser vers des réactions chaotiques, énoncer telle parole regrettée, tel geste échappé ? C’est en dévoilant ces enchaînements mécaniques qu’une autre connaissance s’installe.

Ici, le non-voyant est un voyant qui s’ignore. Il attribue sa souffrance aux causes extérieures qui la déclenchent. Il se bat donc contre les moulins à vent des circonstances au lieu de faire face à sa souffrance. Elle est là à l’intérieur, sommeillant, prête à bondir dès qu’une circonstance « favorable » se produira. Nous nous trompons « d’adversaire ».

Mais la souffrance psychologique n’est qu’une mécanique de l’imaginaire. Elle déroule toujours le même film en dehors de toute réalité objective pour l’essentiel. Il nous faut absolument remettre en cause ce mécanisme et, pour cela, il nous faut le voir à l’œuvre ; sinon, nous le réfuterons encore et encore.

Nous pouvons certes repartir à la recherche des causes passées. C’est un travail long, fastidieux, onéreux en temps et en argent.

Nous pouvons aussi faire l’effort de voir l’écart sidérant qui est là devant nos yeux entre, d’une part, le film qui se projette sur notre écran mental et, d’autre part, les événements, les faits, la réalité de ce qui est devant nous. Même si cela est difficile à verbaliser, deux scènes se jouent en même temps : ce qui se passe en moi et ce qui se passe devant moi.

Si vous regardez à la télévision un film vous rendant très triste et si, d’un coup, vous regardez la TV comme un objet, son écran, son encadrement, sa couleur, sa netteté, posée dans votre salon, et votre chat couché à côté de vous endormi, où est la tristesse ?

La réalité autour de vous ne connaît pas la tristesse. Elle n’est qu’en vous. Et même si vous accusez le réalisateur du film pour cette scène, cette tristesse est la vôtre. Voyez-la en face, plutôt que d’accuser les acteurs du film.

Écrivain – Entretiens – Conférences

Daniel Marcaillou

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