Nous aimerions parfois vivre un peu de silence intérieur. Mais plus nous nous efforçons de ne plus penser, plus cela pense en nous. Plus que cela, le silence nous fait peur. Nous sommes prisonniers de nos contradictions. Le monde que nous avons construit sur terre n’est que la conséquence de ce que nous sommes chacun d’entre nous individuellement. Ainsi s’installe l’environnement du débat permanent, sans fin, dans le seul but, non d’éclaircir des situations, mais d’occuper le champ médiatique pour insuffler les idéologies. Chaque question orientée provoque des réponses en pour et en contre, produisant alors un flot de nouvelles questions et d’autant de réponses égotiques. Le pour est présenté comme l’équivalent du contre, tout devient ainsi « égal », le pire et le meilleur. Le débat se nourrit de lui-même et s’autoalimente sans cesse en occupant l’ensemble de l’univers audible.
Le questionnement a pris le pouvoir sur l’analyse et la qualité de la réponse. Mener les débats devient une prise de pouvoir sur les consciences.
Chacun cherche à imposer sa vision personnelle de la solution partielle, au détriment de l’écoute de l’autre et de la recherche d’une convergence vers une solution globale harmonieuse.
C’est aujourd’hui la génération de la non-écoute égotique. Nous sommes dans la dictature du questionnement, la dictature du mot d’ordre. Il n’existe aucune place pour une autre approche.
L’opinion rassure l’être qui se fond ainsi dans un groupe d’opinions similaires et lutte contre le puissant sentiment de solitude présent en sous-couche. Nos paroles ne seront plus alors que des répétitions, des imitations, dévitalisées de toute énergie.
Nous n’avons même plus conscience qu’il existe en nous une zone de liberté, d’expression véridique, inaccessible aux influences extérieures. Jeune, j’écoutais les tubes musicaux anglo-saxons de l’époque. J’avais appris un anglais scolaire rudimentaire, comme beaucoup d’élèves français, si bien que je ne comprenais pas vraiment les paroles des chansons. En fait, j’en étais très heureux car je me laissais bercer par la mélodie sans être impacté par les paroles. Je me sentais libre.
